Les exportations françaises de cognac connaissent depuis le début de l’année 2007 une envolée spectaculaire, notamment en Chine et aux Etats-Unis.
Au 31 octobre 2007, les ventes à l’étranger ont progressé de 8,5% sur un an avec un record historique de 163,1 millions de bouteilles expédiées, souligne le Bureau national interprofessionnel du cognac (Bnic).
Mais le manque de stock disponible et une production à la peine entraînent une flambée des prix.
Parmi les quatre principaux pays importateurs (USA, Singapour, Grande Bretagne, Chine), ce sont les Etats-Unis, premier marché étranger, qui affichent la plus forte progression (+28,3%), suivis par la Chine, avec une hausse de 26,4% en un an.
De son côté, l’Estonie (16ème importateur) a augmenté ses importations de 210,5%. « Les niveaux de vie augmentent dans de nombreux pays, comme la Russie ou la Chine qui s’ouvre au monde depuis son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce. Les consommateurs délaissent les alcools locaux, vodka ou alcool de riz, pour monter en gamme », analyse Alain Philippe, directeur du Bnic.
Toutes les zones géographiques -pays de l’Alena (Canada, Etats-Unis, Mexique), Europe ou Extrême-Orient- ont connu un essor supérieur à 7% en un an. « Cette hausse des ventes, également répartie dans le monde, est beaucoup plus saine que dans les années 90 où nous avions subi de plein fouet la récession chez nos deux principaux clients, le Japon et les Etats-Unis », se réjouit Marlène Tisseire, directrice du syndicat des vignerons pour la défense de l’AOC Cognac.
Mais échaudée par cette crise dont elle vient à peine de se remettre, la profession a « péché par excès de prudence » quant aux volumes de production. « On n’a pas voulu trop augmenter les stocks, qui constituent un lourd poids financier. Aujourd’hui, c’est vrai qu’on manque de cognac de quatre à neuf ans d’âge », déplore Alain Philippe. Du coup, on relève une nette flambée des prix, avec des prix sur le marché libre supérieurs à ceux du marché contractuel.
Selon Marlène Tisseire, les plus vieux cognac se vendent en moyenne 100% plus cher qu’il y a un an. L’embellie profite surtout aux cinq plus grandes maisons de cognac (Hennessy, Courvoisier, Martell, Rémy Martin et Camus), qui se partagent à elles seules 80% du marché, tandis que les petits producteurs commencent à avoir du mal à répondre à la demande, par manque de stocks.
À l’exception de ce « club des cinq », les 250 PME négociants en cognac peinent à récolter les fruits de cette croissance exponentielle. Certaines prévoient même un recul de leur chiffre d’affaires sur l’exercice 2008. « Nos revenus vont augmenter de 15 % cette année mais devraient baisser de 5 % en 2008 alors que la demande explose », se désole Philippe Coste qui dirige les cognacs Meukow.
Ce cruel paradoxe tient à la faiblesse du dollar qui compromet largement les ventes à l’export. Ainsi les exportations vers les États-Unis d’une société comme Meukow ont baissé de 50 % cette année. Une situation que les grands groupes gèrent plus facilement grâce à des couvertures de changes performantes.
Mais surtout, les PME du cognac souffrent d’un phénomène de pénurie sur le cognac VSOP, c’est-à -dire, de plus de quatre ans d’âge. Ce cognac a été produit sur des récoltes des années 2001, 2002 et 2003, à une époque où les négociants devaient plutôt faire face à une surproduction et avaient donc volontairement bridé la production.
En pleine campagne de distillation, ouverte depuis le 1er novembre et jusqu’au 31 mars, la profession reconnaît que le déséquilibre entre l’offre et la demande ne sera pas comblé dans l’immédiat en raison d’une récolte inférieure aux prévisions, due au manque de soleil et à la maladie du mildiou dans la vigne.
Rançon du succès, la contrefaçon se développe, notamment en Russie et en Asie du sud-est, des pays où « l’imagination est au pouvoir » en la matière, ironise Alain Philippe, tant pour copier la forme des bouteilles ou le nom des marques, ou encore pour remplir des bouteilles vides avec du faux cognac.