Vers une pénurie de rubis suite au boycott des pierres de Birmanie

Baguerouge A chaque secteur économique et social ses soucis face à la situation qui prévaut actuellement en Birmanie. Si les uns s’inquiètent du non-respect des droits de l’Homme, les autres d’éventuels impacts sur l’industrie pétrolière et Total, les marchés du luxe pourraient se trouver confrontés à une raréfaction de certaines pierres précieuses, comme le rubis.

Nombre de joailliers américains et européens boycottent désormais les ventes des gemmes extraits des mines de Mogok en Birmanie afin de manifester leur hostilité au régime.

La junte militaire birmane – qui vient de réprimer dans le sang des manifestations de bonzes – ne perd pas le nord pour autant, puisqu’elle organise du 14 au 26 novembre une vente aux enchères de 5 500 lots de pierres précieuses, la cinquième de l’année. Les autorités birmanes espèrent recueillir quelque 200 millions d’euros, selon un responsable de la Myanmar Gems Enterprise (MGE), une compagnie d’Etat. La Birmanie tenait habituellement deux ventes aux enchères par an mais elle en a augmenté la fréquence pour attirer des devises étrangères très convoitées alors que le régime subit un renforcement des sanctions occidentales. Quatre enchères se sont tenues en 2006.

Quelque 2 000 acheteurs étrangers, venant de Chine et de Thaïlande principalement, devraient se bousculer ces jours-ci à Rangoun pour acheter rubis birmans (90 % de la production mondiale), saphirs et jades. Mais les lapidaires américains et européens respectant l’embargo ne devraient pas participer, de près ou de loin à ces ventes, estiment les spécialistes.

La première dame des Etats-Unis, Laura Bush, a appelé quant à elle vendredi 16 novembre à un boycottage mondial des pierres précieuses provenant de Birmanie et à bouder la vente aux enchères, dans un communiqué publié par la Maison Blanche. « Chaque pierre précieuse birmane achetée, taillée, polie et vendue soutient un régime illégitime et répressif », écrit Mme Bush dans le communiqué. « Ceux qui soutiennent la liberté et la justice pour le peuple birman ne devraient pas aider le régime à remplir ses coffres à l’occasion de ce salon de gemmes. Je salue (l’association des) Joailliers d’Amérique et leurs membres tels que Tiffany et Cartier pour leur position contre l’importation de pierres précieuses de Birmanie », poursuit-elle. « J’exhorte les autres du secteur, aux Etats-Unis et dans le monde, à rejoindre cette importante décision et à refuser que le commerce des pierres précieuses birmanes soutienne le régime birman », ajoute Mme Bush.

La maison Chanel a déclaré quant à elle « avoir décidé jusqu’à nouvel ordre la suspension des achats de rubis en Birmanie ». Cartier et Bulgari ont pris des décisions similaires. Le joaillier américain Tiffany’s n’a pas attendu la dernière vague de répression à Rangoun pour stopper ses achats de pierres birmanes. « Nous avons été parmi les premiers à suivre les recommandations de l’administration américaine qui, dans une note datée du 28 août 2003, invitait à bannir toutes importations de produits birmans. Depuis cette date, le joaillier n’a plus acheté une seule pierre extraite des mines de ce pays », explique Agnès Cromback, présidente de Tiffany’s France. Tiffany’s a néanmoins continué ces dernières années à vendre des rubis birmans en puisant dans son stock de pierres constitué avant 2003.

« Les rubis ou saphirs sertis dans les parures exposées Place Vendôme sont pour la plupart du temps des pierres anciennes, car aujourd’hui il est très rare de trouver dans les mines de Mogok des gemmes de très belle qualité », explique de son côté Héja Garcia-Guillerminet, directeur du laboratoire de gemmologie français de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP).

S’il est difficile de déterminer la date d’extraction, un oeil averti parvient toutefois à déterminer l’origine des pierres de couleur extraites actuellement des mines et qui sont taillées et polies en Thaïlande, premier marché mondial de transformation et de commercialisation des pierres de couleur. Pour autant, la traçabilité des pierres reste délicate à établir. Il faut aux laboratoires de gemmologie des analyses très poussées pour déterminer l’origine d’une pierre qui a souvent beaucoup voyagé. Birmans, Thaïlandais, Africains, Malgaches et Colombiens vendent les pierres aux Indiens qui, après les avoir taillées, sont depuis plus de trois générations les principaux négociants de gemmes dans le monde. Pour un lapidaire parisien, le boycott « donne bonne conscience à la profession », mais « derrière, on fait ce qu’on veut ».

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