(Photo ci-contre: le petit salon de l’ambassade de France à Luanda – Damien GIRES) Leblogluxe vous offre l’interview exclusive d’un jeune designer, Damien Gires, actif au sein d’une jeune société de design qui mutualise les talents avec succès, Le Plan B.
Active auprès du Ministère des Affaires Etrangères, la société a déjà réaménagé deux ambassades de France à l’étranger et travaille sur un troisième projet de même envergure.
Le plan B s’est également penché sur un concept de mobilier urbain fonctionnel (dont quelques photos sont publiées ici). Après notre interview, consultez la galerie de photos des intérieurs des ambassades de Monrovia (Liberia) et Luanda (Angola) dont Damien Gires nous ouvre les portes.
LBL: LePlanB c’est quoi?
LePlanB est une SARL fondée en avril 2007. L’idée était de créer une nouvelle manière de proposer des solutions designs en mutualisant les talents. Aujourd’hui LePlanB est une plateforme regroupant sept designers indépendants, chacun spécialisé dans un domaine, permettant à la société de répondre à chaque client par des solutions spécifiques et ciblées. LePlanB regroupe, un architecte, une scénographe, un designer lumière, un architecte d’intérieur, un designer mobilier, un designer industriel et un spécialiste 3D. Je compose les équipes pour chaque projet afin d’apporter les meilleures solutions. Nous partageons tous l’idée de la transversalité des savoirs et du partage des connaissances, ce qui donne un dynamisme puissant et un vrai bonheur au travail. Je pense que cela se ressent au final.
LBL: Pour quels projets d’aménagements de quelles résidences d’ambassades avez-vous (et/ou Le Plan B) collaboré?
Concernant les résidences d’ambassades, LePlanB a jusqu’à présent réalisé deux projets. Un troisième est en cours. Pour la petite histoire, voici comment nous sommes arrivés sur ce marché…
La première résidence réalisée par nos soins fut celle de Monrovia, au Libéria. Il s’agissait d’une réouverture de poste. Les années de guerres précédentes avaient détruit la ville, et un nouveau lieu devait être réhabilité pour héberger l’ambassadeur et lui permettre de recevoir. La relative dangerosité de la mission et le contexte particulier à poussé l’administration à chercher des personnes acceptant de prendre en charge ce projet.
Je me suis empressé de postuler, avec le designer Gilles Tombeur, et un mois après notre premier rendez vous, nous étions en partance pour Monrovia pour la visite préliminaire du lieu choisi pour la future résidence. La maison est d’une architecture moderne sur deux étages.
La salle à manger et grand salon se situent au rez de chaussée dans une seule et même pièce très vaste, très haute sous plafond, surplombée par un grand escalier majestueux.
Nous avons pris le parti d’architecturer l’espace avec des gestes forts, simples, et de qualité: en utilisant le voilage et la lumière. En orientant à la fois des lumières zénithales, des lampes à poser et des « lèche murs », nous avons donné corps aux nombreux voilages qui cloisonnent symboliquement l’espace.
Dans cette scénographie presque théâtrale, le mobilier trouve naturellement sa place, la lumière ajoutant un écrin confortable. La deuxième résidence réalisée par LePlanB vient d’être achevée. Elle est située à Luanda, en Angola. C’est une maison bourgeoise coloniale typique située dans le quartier des résidences diplomatiques. Elle surplombe la baie de Luanda et profite de la lumière extraordinaire du couchant. La décoration a été orchestrée autours des couleurs et des matières en puisant dans l’histoire du pays, les nuances des paysages, tout en conservant une sensibilité à la française. Les ocres rouges du sol africain répondent aux touches noires et dorées des inspirations portugaises. Les couleurs sables et gris colorés conversent avec des bleus, comme pour se disposer face à l’océan, dans le même sens que Luanda.
LBL: Donnez-nous quelques détails sur le choix des matériaux, leur intégration dans l’esprit d’une ambassade ou du pays dans lequel elle se situe, si c’est un critère de choix.
Les choix des matériaux, des couleurs et des matières se fait sur un juste équilibre entre plusieurs objectifs:
РFaire r̩f̩rence au pays dans lequel nous sommes, sa culture, son histoire artistique, ses couleurs g̩ographiques, ses savoir-faires.
– Garder un style français, conserver des signes forts, sentir que l’on est en France.
– Faire toujours attention dans ses choix à ne jamais utiliser de signes qui pourraient blesser ou froisser un invité dans ses croyances ou ses valeurs.
– Enfin, surtout ne pas oublier que les espaces de réception sont un outil de travail pour l’ambassadeur, et doivent donc avoir un aspect modulable, facile d’entretien, et durable.
LBL: Comment décroche-t-on un puis plusieurs contrats d’aménagement d’ambassade lorsqu’on est jeune designer? N’est-ce pas un peu le genre de portfolio de rêve pour un jeune designer? Je suppose qu’il doit y avoir pas mal de concurrence sur ce marché, le système fonctionne-t-il sur le modèle des appels d’offres?
Au culot, pour décrocher, au travail et au professionnalisme pour continuer. Bien entendu, il s’agit là d’une formidable vitrine pour un designer. La concurrence est partout, sur tous les marchés. Sur celui-ci également. Cependant je pense qu’il y a toujours de la place pour les gens sérieux. L’administration de ce ministère est régie par les mêmes lois que sur les marchés publiques.
LBL: Damien Gires vous êtes engagé auprès du Ministère des Affaires étrangères, est-ce que les arcanes de l’état sont remplies de designers comme vous?
Il y a multitude de designers et professionnels de la création à tous les niveaux des administrations: des directeurs artistiques aux services de communications, des architectes aux services immobiliers …
LBL: On en vient au mobilier urbain, est-ce la même filière: appels d’offres publiques?
Urban Seat est un concept entièrement créé et inventé par LePlanB. Il s’agit d’une proposition de développement. Dans l’immédiat, aucune municipalité ne nous a sollicité dans le cadre d’un appel d’offre. Il s’agit donc d’un tout autre sujet.
LBL: On imagine normalement une ambassade remplie de vieux meubles issus du passé colonial de la France, à l’image de l’Elysée et autres palais de la métropole, est-ce juste une idée reçue ou fait-on de plus en plus appel à des designers pour redécorer les ambassades françaises? Est-ce une tendance?
L’ambassade est composée de deux pôles distincts, la chancellerie qui regroupe toute l’administration, et la résidence, lieu de vie de l’ambassadeur et lieu de réception. Ces pôles peuvent être regroupés dans un même bâtiment, un campus ou séparés géographiquement dans la même ville. En ce qui concerne notre intervention, il s’agit de travailler essentiellement sur la partie « réception » de la résidence. Il s’agit d’offrir à l’ambassadeur un outil de travail agréable et fonctionnel.
Cela comprend en général, le grand salon, la salle à manger, les parties communes et enfin l’appartement officiel dit « chambre du ministre ». Il n’y a pas, ou très peu, de mobiliers type « colonial ». Nous trouvons souvent des meubles anciens tels des fauteuils style louis XI ou Louis XII. Mais pas systématiquement. Il s’agit là de mobiliers typiquement français dont l’image est forte. C’est la raison pour laquelle ce style est souvent repris.
Aujourd’hui lorsqu’une résidence est rénovée, l’effort est fait sur la cohérence entre l’architecture du lieu et le mobilier, ce dans un contexte contemporain. Certains de ces meubles peuvent être conservés, cela entrera alors dans une volonté de style, en retapissant les fauteuils, par exemple, avec un tissu contemporain ou en couplant les meubles avec un environnement décoratif résolument contrasté (par exemple: le salon d’accueil à Luanda, ci-contre).
Redécorer les ambassades n’est pas une tendance. Cela fait parti du suivi et de l’entretien du parc immobilier géré par l’administration. Cela s’est toujours fait. Cependant, faire appel à des designers externes permet de faire entrer la Tendance dans les ambassades françaises. Je suis très fier de participer à ce mouvement.
LBL: Quelles places tiennent le développement durable, les Agendas 21, l’empreinte carbone, faire appel à des artisans locaux, etc. dans vos choix et/ou ceux du ministère?
Depuis plusieurs années, l’utilisation des ressources locales est privilégiée, autant que possible. Dans le cas des deux résidences que LePlanB a géré, les ressources étaient inexistantes. Les années de guerres ont privé ces pays de leurs artisans, et supprimé la formations des jeunes, souvent livrés à eux-mêmes pendant des années. L’attention apportée au choix des matériaux, aux provenances des meubles, est de la responsabilité du designer lors de la conception du nouveau projet. Cela fait parti des principales préoccupations de notre entreprise.
Je dois préciser qu’une grande majorité des fabricants de meubles européen sont garants, aujourd’hui, des provenances de leurs bois, et des utilisations de produits non toxiques dans leurs finitions. En ce qui concerne la politique d’application des agendas par l’administration, je ne peux pas répondre pour elle.
LBL: Les projets d’avenir?
En développement actuellement au PlanB, deux gammes de mobiliers de style contemporain. Dont une collection de meubles à portes à l’attention d’une grande enseigne de mobiliers. En phase d’être achevé, un projet d’extension de toit à Issy Les Moulineaux qui consiste en la création d’une pièce supplémentaire avec terrasse et grandes baies vitrées. Mais aussi un projet de restaurant, et plusieurs rénovations d’appartements.
Crédits photos, design du Grand lustre, design des tables basses: Damien GIRES