Si en France, haute couture rime avec mode, tel n’est plus le cas au Japon.
Dans l’Empire du soleil levant, les grands couturiers doivent désormais explorer les domaines de la gastronomie, de l’hôtellerie et même des bains thermaux, pour satisfaire une clientèle fortunée et assoiffée de luxe et de raffinement.
Le marché du luxe, en baisse depuis 2001, est revenu en 2005 à son niveau de 1989 au Japon, après avoir connu au début et au milieu des années 90 deux périodes de forte croissance (de 22 à 35% de hausse annuelle).
Le Japon est un des marchés les plus lucratifs du monde pour l’industrie du luxe. Mais il est aussi l’un des plus saturés, poussant les grandes maisons de couture étrangères à se diversifier.
Premières consommatrices d’articles de luxe au Japon, les « office ladies », femmes actives de 25-35 ans, constituent le coeur de cible de toutes les grandes marques. Ces femmes célibataires et vivant le plus souvent encore chez leurs parents consacrent une part conséquente de leurs revenus à l’achatd’articles de luxe, faisant confiance aux magazines spécialisés.
« Jusqu’à présent, les Japonais voulaient des vêtements et des articles de luxe qui durent longtemps. Mais récemment, ils ont pris goût au luxe éphémère », explique Maiko Manji, rédactrice en chef du magazine Elle Japan. « Les grands couturiers qui offrent des services haut de gamme sont un concept complètement nouveau au Japon », poursuit-elle. « Et les Japonais sautent systématiquement sur tout ce qui est nouveau ».
Ouvrir des restaurants, des cafés, des chocolatiers ou des spas devient donc un moyen pour les groupes de luxe de trouver un second souffle.
« En Occident, les gens achètent une maison ou dépensent leur argent en famille. Mais au Japon, où les logements sont exigus et où les heures de travail sont longues, les gens cherchent des moyens d’apporter de la valeur ajoutée à leur style de vie« , explique Roy Larke, professeur de marketing à l’Université et éditeur du site internet spécialisé JapanConsuming.com.
En novembre, le designer italien Giorgio Armani a ouvert son magasin-phare à Tokyo, un flamboyant immeuble de douze étages. Outre une boutique de mode, un magasin de meubles Armani Casa, un restaurant italien et un club privé, il y a installé un spa. Armani souhaite également ouvrir son premier hôtel au Japon, même s’il est encore à la recherche de l’endroit idéal.
Le joailler italien Bvlgari envisage aussi d’installer un hôtel à Tokyo d’ici deux ou trois ans. En attendant, il a ouvert en novembre un magasin-phare ainsi que son premier café sur l’avenue huppée d’Omotesando, à quelques mètres des magasins de ses concurrents français Louis Vuitton, Chanel et Cartier.
Chanel avait été l’une des premières maisons de luxe au Japon à diversifier ses activités en ouvrant, en 2004 et toujours à Ginza, un immeuble de dix étages comprenant une salle de concert et un restaurant du chef Alain Ducasse.
Le marché du luxe au Japon est alimenté majoritairement par les importations de marques étrangères, auxquelles s’ajoutent à la marge les achats effectués à l’étranger par des touristes japonais. En 2005, les douze premières marques réalisaient à elles seules 48% des ventes du secteur, qui s’élevaient au total à 1 183 milliards de yens (7,9 Mds EUR).
Le Japon absorbait en 2005 22,7% des ventes mondiales de Gucci, 29% pour Hermès, 30% pour LVMH (articles de mode et maroquinerie). Louis Vuitton reste de loin la première marque de luxe au Japon et plus de 20 millions de personnes, soit un Japonais sur six, possède au moins un article de la marque.